Entretien avec le directeur des ventes, Canada, de Royal Caribbean International
CROISIÈRE : Le premier navire de la nouvelle classe Oasis sera lancé en décembre prochain, avec un tonnage de 220 000 tonnes. Vous êtes la seule compagnie à aller aussi loin dans les gros tonnages. Qu’est-ce qui vous a incité à prendre cette direction?
Kenneth Brooks : La grande popularité de nos gros tonnages précédents. Nous avons lancé le premier paquebot de la classe Voyager en 1999, avec un tonnage de 140000 tonnes et ce fut un grand succès. Même chose avec nos trois navires de la classe Freedom, des 160 000 tonnes. Il y a manifestement une magie quand le plus grand navire au monde est lancé. Il existe aussi une grande curiosité. Les gens se demandent quelles surprises leur réserve la prochaine génération de nos navires. Il y a eu la patinoire de la classe Voyager, le bassin de surf de la classe Freedom et il y aura, entre autres, le Zip Line de la classe Oasis.
C : Chacun des deux navires de la classe Oasis que Royal Caribbean a commandé coûte plus d’un milliard de dollars, voilà toute une décision d’affaires?
K.B. : C’est vrai, mais le succès de nos investissements précédents a facilité cette prise de décision, de même que les bonnes perspectives de croissance. Je dois dire à ce sujet que les réservations pour le Oasis of the Seas dépassent nos meilleures projections.
C : Peut-on comparer l’Oasis of the Seas à l’Airbus 380, l’avion le plus gros de l’histoire, mais plus économe et ayant un impact environnemental moins grand que ses prédécesseurs?
K.B : Cela dépend de ce que l’on veut dire. Oui, si l’on considère la grande performance de la classe Oasis sur les plans de l’environnement et de la consommation de carburant. Non, si l’on tient compte que l’Airbus 380 a connu des retards de livraison. Ce ne sera pas le cas avec l’Oasis of the seas qui sort à la fin de cette année, ni avec l’Allure of the Seas qui sera lancé en 2010.
C : À 220 000 tonnes, a-t-on atteint la limite physique de construction de navires ou la limite d’accueil des ports?
K.B : Je ne crois pas aujourd’hui que ce soit le cas. Je me rappelle qu’à la naissance de la classe Voyager, je pensais que la limite était atteinte. Ce ne fut pas le cas. Cela dit, il n’y a que trois endroits au monde où l’on peut construire des navires de croisière aussi gros. Il faut aussi investir beaucoup pour adapter les infrastructures terrestres de différents ports à la taille et à la capacité de nos plus gros navires on parle ici d’infrastructures capables d’accueillir quelque 6 300 passagers. Cela dit, nos deux prochains navires ne pourront pas amarrer dans tous les ports d’escale.
C : Quelle sera la prochaine étape de votre développement?
K.B : Nous allons continuer à diversifier nos marchés. Avant le 11 septembre 2001, environ 90% de nos revenus provenaient du marché américain. Nous avons consacré beaucoup d’efforts au développement du marché européenen créant une filiale en France, une autre en Allemagne et une autre en Espagne. Nous avons aussi affecté un de nos navires à l’Asie, et un autre à l’Amérique du Sud.
C : Comment évolue le marché québécois?
K.B : Il y a un engouement de plus en plus marqué depuis quelques années. En 2008, le Québec a même enregistré la plus forte croissance de toute l’Amérique du Nord! La particularité ici est que beaucoup de Québécois sont plus à l’aise de voyager en groupe, ainsi ils sentent moins la barrière de la langue. Voilà pourquoi Voyage Vasco propose des voyages de groupes, avec des accompagnateurs francophones, tout particulièrement pour nos départs du port de Bayonne, au New Jersey.
C : En 2007, vous avez créé la filiale Azamara Cruises, pourquoi?
K.B : Le succès de Oceania Cruises sur le marché de luxe nous a inspiré cette décision-là. Et nous avons réussi à faire l’acquisition de deux navires exceptionnels que nous avons rénovés, améliorés et rendus encore plus formidables. Ce sont le Azamara Journey et le Azamara Quest, deux navires de petit tonnage, environ 30 000 tonnes, qui permettent d’offrir un service très personnalisé et des itinéraires originaux, dans des ports où ne peuvent aller nos plus gros navires. Et entre la flotte de Royal Caribbean Cruises et celle d’Azamara Cruises, il y a l’expérience de croisière offerte par Celebrity Cruises, cette compagnie que nous avons acquise, il y a maintenant 10 ans, une expérience axée sur la haute gastronomie et une ambiance qui rappelle les grands liners de la Belle Époque. Bref, avec la trentaine de navires de nos différentes compagnies et filiales, il y en a pour tous les goûts et pour toutes les bourses.
C : Vous travaillez pour Royal Caribbean depuis 1999. L’industrie des croisières a beaucoup changé au cours des 10 à 15 dernières années. Comment voyez-vous l’avenir à l’horizon de 2020-2030?
K.B : Je dois avouer qu’il y a un manque de clarté dans ma boule de cristal! Ma certitude est que nous sommes loin d’avoir touché le sommet de la croissance. Notre défi est de convaincre bien des gens d’aller au-delà de leurs craintes par rapport au mal de mer ou de la fausse perception qu’il s’agit d’un produit dispendieux, et d’essayer cette formule de la croisière. Dans la très grande majorité des cas, ils l’adoptent. Cela dit, à court terme, avec l’arrivée de plusieurs gros tonnages au cours des deux prochaines années, il va sûrement y avoir un temps d’arrêt avant que la croissance reparte de plus belle.